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Le grand âge et ses œuvres ultimes, XVI-XXIe siècles.
Appel à communication.
mardi 18 novembre 2008, par
Le Gericho diffuse un appel à communication pour un colloque qui se déroulera à Poitiers les 19-21 novembre 2009.
La longévité des artistes est un thème qui soulève plus que tout autre la question de l’incidence de la biographie sur l’Å“uvre.
La production artistique du grand âge coïncide souvent avec une rupture de style, résultant d’une remise en cause des précédents acquis et positions, si ce n’est d’un retour aux sources. Cette saison ultime a nourri le mythe romantique de la liberté absolue d’expression du génie dans la vieillesse, susceptible d’atteindre une incomparable intensité dramatique, comme une constante propre à l’Å“uvre des plus grands artistes indépendamment des époques. Fruit du XIXe siècle, cette héroïsation de la vieillesse des figures majeures de la création a touché aussi bien les arts figuratifs que la musique et la littérature, participant au processus qui devait faire de l’artiste, plus que de l’Å“uvre, le véritable protagoniste.
La vieillesse de l’artiste avait toutefois été l’objet de débats dès la Renaissance dans le domaine des arts du dessin, notamment de la peinture et de la sculpture, du fait du caractère manuel de leur production matérielle, particulièrement sensible aux répercussions du déclin physique propre à la sénilité. L’imperfection de la main désormais tremblante ou de la vue baissante était dénoncée comme une tare : théoriciens et biographes considéraient qu’il était préférable de renoncer à l’activité artistique - du moins professionnelle - pendant la vieillesse, afin de ne pas compromettre par des pièces déficientes la renommée que les Å“uvres de la maturité, réalisées en pleine possession des moyens, avait permis d’acquérir. Ces réflexions sur les conséquences de la sénilité s’étendirent également à la question du déclin intellectuel, perceptible dans un appauvrissement de la capacité d’invention, dans la redondance de formules usées. La conception cyclique des âges de la création dénonçait ainsi de façon négative la période ultime, faisant écho, à une plus vaste échelle, à la conception cyclique de l’histoire des maniere - des styles. Néanmoins, cette dépréciation de la production du grand âge n’empêchait pas que les Å“uvres extrêmes des plus excellents artistes, tels Michel-Ange ou Titien, fussent prisées avec vénération.
L’historiographie a longtemps oscillé entre ces deux voies d’interprétation, glorifiant la liberté d’expression des Å“uvres de vieillesse ou dénigrant l’imperfection de leur facture, comme en témoignent les études pionnières d’Albert E. Brinckmann (Spätwerke grosser Meister, 1925) pour les arts figuratifs, de Gottfried Benn (Altern als Problem für Künstler, 1954) pour la littérature et de Theodor W. Adorno (Spätstil Beethovens, 1937 ; Zur Partitur des Parsifal, 1956) pour la musique. Dans les dernières décennies, le débat s’est plus particulièrement concentré sur la légitimité de la définition d’une catégorie stylistique propre au grand âge et traversant les siècles (David Rosand éd., Old-Age Style, 1987). Les études plus récentes ont en revanche envisagé le statut des Å“uvres ultimes en fonction des conditionnements psychologique, culturel et social que la considération négative de la vieillesse pouvait comporter sur la production des artistes âgés, que celle-ci eà »t été reconnue ou considérée comme mineure. En dépit de l’attention apportée à ce sujet, et encore récemment confirmée par le recueil posthume d’Edward W. Said, On Late Style (Londres 2006), par l’important ouvrage de Philip Sohm, The Artist grows Old (New Haven-Londres 2007), et par l’exposition et les colloques consacrés au dernier Titien (Vienne-Venise 2007-08) ou au dernier Bernin (Rome, Bibliotheca Hertziana, 2008), il manque toujours une véritable vision d’ensemble qui permette d’envisager l’âge ultime de la création artistique dans les multiples champs de son expression et sur une longue durée, ainsi que d’en interroger la spécificité eu égard au plus vaste spectre de la production intellectuelle et scientifique de vieillesse.
Le colloque se propose par conséquent d’aborder le grand âge et ses Å“uvres ultimes sur une ample chronologie - depuis la Renaissance jusqu’à l’époque contemporaine -, dans les arts visuels, l’architecture, la musique et la littérature. En contrepoint, des exemples d’Å“uvres de l’esprit au sens plus général - dernières Å“uvres ou actions d’hommes politiques, d’historiens, de philosophes, d’hommes de loi ou de sciences - seront également pris en considération. Il s’agira en particulier d’analyser les critères d’interprétation de la vieillesse de l’artiste ou de l’auteur et de ses Å“uvres dernières, en fonction des données biographiques, du contexte culturel et social, de la réception contemporaine et postérieure, tout en interrogeant également la part d’intentionnalité dans l’élaboration d’un style ou d’un message ultime.
Cette perspective vise à faire dialoguer les différentes disciplines principalement autour des thèmes suivants :
– L’épreuve de la vieillesse.
Dans une direction biographique, cette section examinera l’incidence de la vieillesse sur la production et la réception des Å“uvres ainsi que sur le statut social de leur auteur. La perception de l’âge et de la transformation des capacités, la prise de position face aux nouvelles générations et au changement de la scène artistique, culturelle ou politique, les solutions de repli ou les stratégies d’affirmation adoptées par les artistes/auteurs vieillissants, pourront entre autres être considérées.
– Le style du grand âge.
Cette section analysera la spécificité des formes d’expression du grand âge, au sein de l’Å“uvre d’un auteur ou dans un contexte plus général. Il s’agira entre autres d’interroger la validité du "style de vieillesse" comme critère d’interprétation, en fonction des différentes époques et disciplines.
– La dernière Å“uvre.
A travers l’étude de cas précis, cette section analysera le message des Å“uvres ultimes - qu’elles soient achevées ou inachevées -, leur relation à la production précédente, leur possible valeur de testament artistique ou intellectuel, leur réception et leur fortune contemporaine et postérieure.
Comité scientifique :
– membres extérieurs : Maurice Brock (Université de Tours), Joë l-Marie Fauquet (CNRS),
Philippe Morel (Université de Paris-1), Philip Sohm (University of Toronto), Victor I. Stoichita (Université de Fribourg), Nicola Suthor (Kunsthistorisches Institut in Florenz)
– Université de Poitiers : Cécile Auzolle (Dép. de Musicologie), Christelle Cazaux-Kowalsk (Dép. de Musicologie), Frédéric Chauvaud (Dép. d’Histoire), Isabelle His (Dép. de Musicologie), Nicole Masson (Dép. de Lettres modernes), Nabila Oulebsir (Dép. d’Histoire de l’Art), Jacques Péret (Dép. d’Histoire), Marie-Luce Pujalte (Dép. d’Histoire de l’Art), Jean-Roger Soubiran (Dép. d’Histoire de l’Art), Solange Vernois (Dép. d’Histoire de l’Art)
Coordinateurs : Véronique Meyer, Diane Bodart (Dép. d’Histoire de l’Art), Jean Gribenski (Dép. de Musicologie), Jérôme Grévy (Dép. d’Histoire)
Illustration : Titien, Autoportrait, 1550-1562 (source : Web Gallery of Art).
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