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Séminaire Polysémie 2011-2012
dimanche 7 août 2011, par
Encadré par une équipe de jeunes chercheurs, le séminaire Polysémie. Littérature, arts et savoirs de la Renaissance explore chaque année une notion choisie pour sa richesse sémantique et la variété des champs d’étude qu’elle permet d’aborder, afin de mieux cerner cette époque dans toute sa complexité. Depuis une douzaine d’années, ce séminaire permet aux jeunes chercheurs d’échanger entre eux sur leurs travaux en cours ; le dernier terme étudié fut la notion fortement polarisée de « curiosité », qui a également fait l’objet d’une journée d’étude. En 2011-2012, nous porterons notre réflexion sur la notion polysémique d’« histoire », une histoire multiple qui couvre aussi bien le champ du récit historique que celui des fables.
En latin déjà, le terme historia possède ces deux significations apparemment opposées, dont le dénominateur commun est l’acte de raconter : "histoire" désigne à la fois le "récit d’événements historiques" et des formes de narration non tenues de se conformer à la réalité historique, voire des fictions fabuleuses. Dès l’Antiquité, les auteurs font jouer la polysémie du terme, soit pour dénoncer le caractère « fictif » de certains récits revendiqués comme historiques (dont ceux du « père des historiens » Hérodote, accusé de rechercher davantage le sensationnel que la fidélité aux faits passés), soit pour rendre attractifs des récits fictionnels en les présentant comme des faits avérés. Le jeu sur la polysémie du terme culmine avec les Histoires Véritables de Lucien, dont le titre ironique signale la distance prise à l’égard des historiens menteurs, et la supériorité éthique d’une fiction qui assume son caractère mensonger.
Ces jeux interrogeant les rapports de l’histoire à la vérité se poursuivent au XVIe siècle, chez Rabelais ou encore chez Marguerite de Navarre, tandis que les travaux philologiques des humanistes contribuent à faire ressurgir la question des critères de fiabilité du récit historique : la discussion sur l’authenticité de certains textes (comme les écrits du pseudo-Bérose forgés de toute pièce par Annius de Viterbe) et la confrontation des sources incitent à adopter une distance critique à l’égard des textes qui se présentent comme les récits objectifs d’événements passés. Jean Céard a ainsi montré, dans un article intitulé « L’histoire écoutée aux portes de la légende », que certains récits auparavant considérés comme historiques, comme les chroniques de Turpin, commencent à être mis en cause à la Renaissance, et soupçonnés d’être pure forgerie. On voit ainsi se développer une réflexion sur les qualités nécessaires au bon historien, comme en témoignent, par exemple, les célèbres jugements de Montaigne dans l’essai « Des Livres » (II, 10) ou les réflexions désabusées de l’Arioste sur la part de flatterie que peuvent contenir les récits qui forgent, pour l’éternité, la réputation et la renommée des grands hommes. À ces réflexions, qui cherchent à définir les conditions de possibilité d’un récit historique objectif et fiable, s’ajoute un débat plus général sur la pertinence même des récits historiques : leur fidélité au réel les rend-elle plus « vrais » que les récits fictionnels ? Le développement des commentaires sur la Poétique d’Aristote semble au contraire suggérer que la poésie, qui atteint l’universel, parvient à un degré supérieur de vérité que celui qui préoccupe les historiens. En outre, le récit des actions passées est-il systématiquement reconnu comme une source d’enseignements et d’exemples moraux ? À ceux qui, comme Amyot, font valoir le profit particulier qu’apporte la lecture de faits avérés, les partisans de la fiction peuvent rétorquer que le récit historique, qui relaie autant les actes répréhensibles que les hauts faits, ne doit pas être soumis aux esprits les plus fragiles. La fiction, libre de gommer le vice et le mal, peut au contraire apparaître comme une source d’exemples qui répondent au mieux aux impératifs de la pédagogie.
Autour de ces réflexions sur la relation entre l’histoire et la vérité, nous souhaiterions notamment accueillir des communications centrées sur les thèmes suivants :
Les propositions, d’une page maximum devront être envoyées avant le 1er octobre aux membres de l’équipe organisatrice du séminaire :
Nous vous répondrons dans le mois suivant.
Les séances du séminaire durent deux heures et se tiendront une fois par mois, en fin d’après-midi, à l’École normale supérieure (45 rue d’Ulm, 75005 Paris), à partir de la mi-novembre. La communication, qui peut rester informelle, durera de 40 minutes à une heure et s’illustrera d’un riche corpus de textes et/ou d’illustrations qui permettra de nourrir l’échange, toujours amical et passionné, lors de la deuxième heure.
Pour plus d’informations : http://seminairepolysemie.wordpress.com/