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Les Tudors au box-office.

mardi 27 mai 2008, par Boris Jeanne

Qu’Henry VIII d’Angleterre et sa descendance alimentent les fantasmes depuis au moins Barbe Bleue, rien de nouveau sur la Tamise. Mais en l’espace de trois ans, une mini-série HBO sur Elizabeth Ire avec Helen Mirren, deux longs-métrages Universal sur la même avec Cate Blanchett, les Deux sœurs pour un roi de Sony Pictures avec Nathalie « Ann Boleyn » Portman et Scarlett « Mary Boleyn » Johansson, et surtout l’énorme succès du feuilleton The Tudors sur Showtime et Canal + avec Jonathan Rhys-Meyers dans le rôle d’Henry VIII et Sam Neill pour jouer le cardinal Wolsey, voilà la plus illustre famille du XVIe siècle anglais sous les feux des projecteurs et des tubes cathodiques. Comment comprendre ce brusque et massif intérêt pour ces fresques historiques ?

La recette est la même que pour les deux saisons de la série Rome d’HBO/BBC : sexe, violence et religion. Le constat peut paraître tomber à l’emporte-pièce, mais ce cocktail semble bien être la clé du succès pour que la grande Histoire passe l’épreuve des studios. Cela ne suffit sans doute pas, il faut aussi d’excellents scénaristes, un bon conseiller historique… et un budget qui assume le degré d’exigence de la reconstitution !

Côté sexe, à Rome on avait le légionnaire Titus Pullo avide de bordels et un Marc-Antoine régulièrement en rut (sans parler des travers sadiques d’Octave-Auguste entretenus par Livie), à Londres on a bien sûr l’inaltérable appétit sexuel d’Henry VIII opposé à la virginité politique de sa fille Elizabeth. La série Showtime The Tudors n’est pas avare en chaire étalée, poitrine des suivantes et fesses des hommes de pouvoir – sauf Catherine d’Aragon, étonnamment. Citons le dossier de presse : « La série devrait comporter cinq saisons qui suivront toutes les six femmes d’Henry VIII ».

Côté violence, les meurtres tantôt rageurs tantôt bien nets du gladiateur Pullo (c’est lui qui règle le sort de Cicéron dans la saison 2) trouvent leur succession dès le premier épisode des Tudors qui s’ouvre sur l’assassinat de l’ambassadeur anglais à la cour de Mantoue par les Français. Henry VIII ne pense qu’à rentrer dans l’histoire par la guerre et sa relation au duc de Buckingham est orageuse, elle se traduit régulièrement par une explication humiliante sur le pré du tournoi. Quelques scènes de torture ont également marqué les esprits lors de la diffusion de la mini-série sur Elizabeth, sans parler de l’exécution de Mary Stuart…

Sexe et violence ont toujours été de bons filons pour vendre de la pellicule et du temps de cerveau disponible. La nouveauté de ce début de XXIe siècle est peut-être de voir revenir la religion parmi les thèmes vendeurs de l’édition littéraire et audiovisuelle, que ce soit dans le Da Vinci Code ou dans le traitement de la politique étrangère par Fox News. La grande réussite de la série Rome était notamment de présenter la fin de la République dans son aspect le plus païen, avec des cultes à mystère mais aussi des rites quotidiens. Cette omniprésence du religieux n’échappe pas à la représentation des Tudors que donne Hollywood : c’est toute la naissance et l’enracinement de l’anglicanisme qui nous sont donnés à voir dans cette succession de films et séries sur les Tudors, depuis l’affaire du divorce avec Catherine d’Aragon jusqu’au désastre de l’Invincible Armada lancée par Philippe II d’Espagne contre l’Angleterre apportant son soutien aux Gueux protestants des Provinces-Unies, a contrario du mariage bien catholique entre le prince Philippe et la reine Mary Ire.

En revanche toutes ces productions ne sont pas du même niveau, tant artistique qu’historique. Les Elizabeth d’Universal (avec Cate Blanchett) sont bien indigentes scénaristiquement, en se focalisant simplement sur une prétendue romance entre Elizabeth et Walter Raleigh (joué par Clive Owen), et l’approche de l’Invincible Armada. Elles sont également catastrophiques quant à la précision de la reconstitution historique, il suffit de lire cet extrait du dossier de presse pour en être convaincu : « En 1585, Elizabeth Ire règne sur l’Angleterre depuis près de trente ans. Le vent destructeur du catholicisme fondamentaliste souffle sur l’Europe, sous la conduite de Philippe II d’Espagne. Soutenu par l’Église de Rome, le roi dispose d’une armée puissante et d’une Armada qui domine les mers. Philippe II est déterminé à renverser la reine "hérétique" et à ramener l’Angleterre au sein de l’Église romaine catholique ». La mini-série HBO avec Helen Mirren a rencontré un succès d’estime (et pas mal de récompenses pour celle qui a également interprété Elizabeth II chez Stephen Frears), qui rend justice à sa meilleure exploitation des événements réellement importants des débuts de l’époque élisabéthaine (et notamment la difficile relation avec Mary Stuart). Les Tudors de Showtime sont certainement ceux qui emboîtent le mieux le pas à la Rome d’HBO en matière d’astuce scénaristique pour que les petites histoires s’arriment à la grande Histoire : chacune des transgressions historiques est assumée, dans le but unique de servir au mieux le scénario et assurer au spectateur de bien suivre une époque parfois complexe tant en conservant l’essentiel, c’est-à-dire la cohérence historique et l’ambiance contemporaine. C’était surtout vrai de Rome, c’est un cran en dessous pour les Tudors – un Noir apparaît dans le Camp du Drap d’Or... pour satisfaire aux quotas ethniques de la législation américaine !

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