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Les figures de l’intermédiation marchande en Europe et dans le monde méditerranéen (XVIe-XXIe siècle), commis voyageurs et représentants de commerce.

Appel expirant le 30 juin 2009.

jeudi 21 mai 2009, par Antoine Roullet

Ce colloque organisé par l’université de Nice se tiendra les 11 et 12 juin 2010. Nous reprenons l’appel diffusé par Calenda.

Le colloque propose de réunir divers travaux permettant de mieux connaître les commis-voyageurs, figures méconnues de l’intermédiation marchande, qui jouèrent un rôle grandissant dans le grand commerce à partir du XVIIIe siècle. Il se fixe pour objectif de parvenir à une meilleure définition de cette fonction qui ne se limitait pas à la stricte représentation commerciale et pouvait également impliquer la gestion de litiges ou la consolidation (et l’élargissement) des réseaux marchands de la firme. Il entend également délimiter la chronologie de ce métier (apparition, généralisation, transformation en « représentant de commerce ») et identifier les secteurs économiques et les régions qui furent pionniers dans le recours aux commis-voyageurs. Ce faisant, il espère pouvoir contribuer aux débats en cours sur l’existence, ou pas, d’une « révolution technologique » dans le domaine du commerce à distance, au XIXe siècle. Plus généralement, le colloque s’inscrit dans une réflexion diachronique sur les formes de la mobilité marchande depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours, ne négligeant pas les stratégies actuellement mises en œuvre par les firmes commerciales pour gérer des marchés distants.
Annonce
Entre le milieu du XVIIIe siècle et la fin du XIXe siècle, les principaux secteurs de l’économie européenne ont connu un ensemble de transformations majeures que les historiens ont pris l’habitude de qualifier par le terme de « révolution » (« révolution agricole », « révolution industrielle », « révolution des transports »). En dépit des critiques apportées à cette notion de révolution, demeure l’idée qu’une double rupture, à la fois quantitative et qualitative, aurait bouleversé le système de production du continent au cours d’un large XIXe siècle. De fait, on assiste alors simultanément dans ces secteurs à une croissance radicale et totalement inédite des niveaux de production et à une amélioration sensible de la productivité, induite par l’introduction d’innovations technologiques, de nouveaux procédés de production et d’une spécialisation accrue de la main d’œuvre employée. Á la différence de ces branches de l’économie européenne profondément transformées, le secteur du grand commerce paraît en revanche être resté en marge de telles évolutions. Cela tient essentiellement au fait que les innovations majeures qui ont eu lieu dans ce domaine (en matière de paiements internationaux, de comptabilité, de circulation de l’information, d’encadrement juridique, etc.), loin de se concentrer durant le seul XIXe siècle, s’inscrivent au contraire dans une trame de changements continus qui, commencée durant le Moyen Age, s’est poursuivie jusqu’à nos jours.

Si ces innovations furent introduites par vagues successives au cours des époques moderne et contemporaine, certains auteurs – historiens, économistes ou sociologues – ont cependant remarqué que, à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles, une révolution silencieuse transforme en profondeur les conditions des échanges à distance en Europe et dans le monde : face à une organisation du commerce dominée par des réseaux marchands étroits, fermés et structurés par des liens personnels et identitaires forts, se serait alors affirmé un nouveau système d’échanges, fondé sur les principes d’un marché ouvert et régulé par le droit. L’apparition de nouveaux instruments juridiques et institutionnels donnant des assises formelles aux relations de confiance ainsi que l’émergence de nouvelles figures d’intermédiaires au sein du monde marchand auraient constitué les deux principaux aspects de cette évolution.

C’est donc cette question de l’ampleur et de la spécificité des mutations intervenues au XIXe siècle en matière de commerce à distance que nous souhaitons discuter ici, en adoptant pour cela deux postulats scientifiques : d’une part, le temps long comme échelle d’analyse et, d’autre part, l’étude des professions du grand commerce comme terrain d’observation. Il s’agit, par une analyse sur la longue durée des figures de l’intermédiation marchande, de discerner les processus de spécialisation, de professionnalisation et d’autonomisation qui ont progressivement affecté les métiers du commerce, transformant ainsi, les conditions et les procédures de l’échange à distance.

Dans ce cadre, et avant de prochaines rencontres qui pourraient être consacrées à d’autres figures de l’intermédiation marchande (les courtiers, les capitaines de navire, les commissionnaires), nous avons fait le choix de commencer notre étude par un métier a priori considéré comme secondaire au sein du monde marchand : celui de commis-voyageur.

Ce choix tient tout d’abord au constat qu’il existe un vide historiographique concernant cette profession, bien moins souvent étudiée que celle de négociant. Pourtant, comme l’avait remarqué Gérard Gayot, dont nous saluons ici la mémoire autant que les travaux pionniers sur la question, le recours à leurs services joua sans aucun doute un rôle décisif dans la conquête de marchés d’exportation, ce dont témoigne le cas des fabricants de draps de Sedan. Au-delà de la fonction de représentant de commerce, les commis-voyageurs pouvaient en effet être également utilisés pour élargir ou consolider les réseaux de leurs employeurs, liquider des affaires d’importance ou régler des litiges – ce qui revient toujours à remplir une même fonction : assurer une présence physique dans des procédures marchandes précocement dématérialisées. Ils peuvent donc être considérés à ce titre comme un rouage essentiel de la pratique du commerce à distance, même s’il nous reste à définir précisément les contours de leur rôle et à en apprécier l’importance aux différentes époques.

Pour mener à bien ces deux objectifs – lever le voile d’ombre qui recouvre cette profession et s’interroger sur le rôle qu’elle a joué dans la modernisation des procédures commerciales – quatre grandes séries d’interrogations devront être successivement ou simultanément abordées.

La première est d’ordre chronologique et vise à fixer les grandes temporalités de cette profession. S’il semble en effet établi que le recours à des commis-voyageurs s’est généralisé dans le courant du XVIIIe siècle, il reste à délimiter une chronologie précise de leur apparition : quels ont été les secteurs et les pays qui les ont « inventés » et employés les premiers ? Quels sont ceux qui sont, au contraire, demeurés réticents à leur usage ? Á partir de quelle époque, la profession a-t-elle acquis une importance suffisante pour être reconnue comme telle ? Cette interrogation mérite, par ailleurs, d’être replacée dans une réflexion diachronique plus large portant sur les formes de la mobilité marchande qui étaient en usage avant l’apparition des commis-voyageurs et sur l’évolution qu’a connue leur profession jusqu’à nos jours : qui remplissaient les fonctions des commis-voyageurs avant le XVIIIe siècle ? Quand et comment s’est opéré le glissement du « commis-voyageur » au « représentant de commerce » et que signifie cette évolution sémantique quant à l’évolution du contenu de ce métier ? Quel est, enfin, son avenir dans le contexte technologique radicalement nouveau que nous connaissons depuis une vingtaine d’années ?

La deuxième interrogation, directement liée à la première, porte sur la définition même de la profession. Non pas tant d’ailleurs, une définition lexicale précise – pour laquelle nous pourrions retenir, dans un premier temps tout du moins, l’acception suivante : « agent qui effectue des voyages d’affaires au service de la firme commerciale qui l’emploie » – mais plutôt une définition des statuts et des missions. Retenons sur ce point les différentes possibilités que l’on peut d’ores et déjà envisager puisque le commis-voyageur peut être salarié, intéressé par une commission ou associé à la firme (ou les trois à la fois) et que ses missions peuvent aller d’une stricte fonction de vente et de prospection des marchés jusqu’à des fonctions plus pointues de représentation de la firme dans des opérations de recouvrement de créances ou de règlement de litiges internationaux – auquel cas, il s’apparente plus à nos actuels cadres commerciaux.

Une fois éclaircis ces deux premiers points, il sera intéressant de s’interroger sur les conséquences et les dynamiques impliquées sur le long terme par un recours accru aux commis-voyageur. Il faudra alors mettre en évidence le rôle qu’ils jouèrent tant dans la redéfinition des relations de confiance marchandes que dans la structuration du marché. De la même façon, une réflexion devra nécessairement être menée sur les inscriptions spatiales de ce métier : quels sont les caractéristiques des territoires desservis par les commis-voyageurs ? Comment est définie la zone « couverte » par un commis-voyageur ? Selon quelle fréquence effectue-t-il ses tournées ? Existe-t-il, finalement, dans le monde euro-méditerranéen, un « espace des commis-voyageurs » ?

Le présent appel à contributions s’adresse à tout type de recherches portant sur les commis-voyageurs et les représentants de commerce et s’inscrivant dans un cadre chronologique large allant du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. Des travaux portant sur les formes de la mobilité marchande en usage avant l’apparition des commis-voyageurs pourraient également s’avérer très utiles pour apprécier les changements qu’ils apportèrent dans la pratique du commerce à distance. Par ailleurs, l’aire méditerranéenne, qui regroupe en un espace donné, une large palette de situations géographiques très diverses (régions fortement urbanisées au contraire profondément rurales, centres majeurs de l’économie-monde européenne ou territoires très reculés), constituera notre espace de référence. Des travaux portant sur d’autres aires géographiques, seront cependant les bienvenus dès lors qu’ils s’inscriront dans les problématiques qui ont été définies.

Les propositions de contribution, rédigées en français, en espagnol, en italien ou en anglais, devront comporter un titre et un résumé d’une quinzaine de lignes et devront être adressées avant le 30 juin 2009 à l’adresse suivante : bartolomei@unice.fr (cf. formulaire ci-joint). Elles seront étudiées par un comité scientifique avant le 1er octobre 2009. La rencontre scientifique, qui pourra être un colloque ou une journée d’études en fonction du nombre de participants, se tiendra à Nice les 11 et 12 juin 2010. Une publication papier et électronique de ses actes dans la revue Les Cahiers de la Méditerranée est prévue.

Membres du comité scientifique :

Arnaud Bartolomei (Université de Nice-Sophia Antipolis-CMMC), Pierre-Yves Beaurepaire (Université de Nice-Sophia Antipolis-CMMC et Institut Universitaire de France), Jacques Bottin (ENS-IHMC), Gérard Chastagnaret (Université de Provence-TELEMME), Ana Crespo Solana (CSIC-Madrid), Jean-Pierre Hirsch (Université de Lille-IRHIS), Claire Lemercier (ENS-IHMC), Silvia Marzagalli (Université de Nice-Sophia Antipolis-CMMC).

Documents joints

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